Il y a cette cicatrice. Verticale. Elle commence entre les omoplates. Continue jusqu'au nombril. S'arrête au dessus du pubis. C'est une cicatrice épaisse qui ressemble au lit d'une rivière. Asséchée. De petits bras verticaux partent de chaque côté. Certains un peu plus visibles que d'autres. Papa a souvent insisté pour que j'ai recours à la chirurgie. Faire disparaître cette anomalie. Je ne veux pas. C'est ma douleur. Enfin visible. Palpable.

J'avais 18 ans. Mon permis en poche. Juillet. La maison de campagne de mes grands parents. Je devais partir quelques jours plus tard en Thaïlande avec deux amis. Je venais d'obtenir mon bac. Je conduisais en écoutant Valérie Lemercier. Il faisait beau. J'avais été acheté des livres à Sens pour le voyage. Je rentrais tranquillement. Je crois même que j'étais heureuse. Seule sur une route que je connaissais bien. J'ai raté un virage. Je n'avais pas ma ceinture.

(Plus tard, l'expert d'assurances m'avoua que si j'avais été attachée, je n'aurais pas été expulsée de la voiture. Je serais morte. Au lieu de cela c'est mon foie qui a éclaté.)

Je ne sais pas ce qui s'est passé. Pourquoi je suis allée dans le fossé . La seule chose que j'ai apprise de cet accident, c'est à quel point je pouvais tenir à ma vie. Ma misère.

Je conduis encore. Je n'aime pas ça. La cicatrice est devenu marron avec des petites striures plus claires. Je la cache. Elle me fait honte. Me coupe en deux. J'ai toujours mes règles. Je ne peux pas avoir d'enfant. Elle fait partie de moi.